José Mourinho et Pep Guardiola ont longtemps été placés à hauteur égale pour tout ce qu’ils représentent. Aujourd’hui, le Portugais a perdu le fil.
Quand il se retournera sur son immense carrière, José Mourinho ouvrira le chapitre de son passage en Espagne avec le sourire. Ses batailles avec Pep Guardiola sont restées dans les mémoires. Elles personnifiaient la rivalité Madrid-Barcelone, divisaient l’Espagne et alimentaient les polémiques aux quatre coins du pays. De l’eau a coulé sous les ponts, depuis, et les retrouvailles entre les deux hommes n’attisent plus la même passion. Pourquoi ? Parce que le miroir qui les séparait n’est plus qu’un plafond de verre. À tel point qu’aujourd’hui, cette idée de les placer au même niveau en constatant simplement leurs différences ne dit plus la vérité. Et les raisons sont nombreuses.
Pour le jeu proposé
C’est LE critère primordial pour l’identification d’un technicien. Une griffe. Une conviction. Mieux, une réflexion. Celles de Pep Guardiola et José Mourinho étaient opposées mais visibles. Or, depuis son arrivée à Manchester United, le Portugais diffuse l’impression de naviguer à vue. Là où Guardiola a toujours été dans une logique de construction, Mourinho ne parvient plus à proposer autre chose que de la destruction. Ses plans défensifs ont nourri sa légende – pendant son passage à l’Inter Milan, notamment – parce qu’ils ont renversé des montagnes comme le Barça de… Guardiola. Mais ils exigeaient une implication totale et des profils sur mesure.
Mi-mars, Manchester United a buté sur le FC Séville en huitièmes de finale de la Ligue des champions. Après une prestation collective soporifique en Andalousie, la bande à Mou n’a rien proposé à Old Trafford, dans ce théâtre où les rêves se dissipent toujours un peu plus depuis la retraite de Sir Alex Ferguson. Imposer une philosophie de combat est une chose, Diego Simeone fait cela très bien, mais éveiller l’ennui à ce point en est une autre. Dans le même temps, Pep Guardiola laisse encore planer des interrogations sur l’efficience de son style si particulier dans les plus grandes batailles de Ligue des champions, mais cet ADN est sa force. Il s’inscrit dans la lignée des Johan Cruyff, Arrigo Sacchi ou Helenio Herrera, qui ont traversé les époques avec leurs idées.
Pour leurs résultats
Il n’y a pas un gouffre financier entre les deux clubs de Manchester. Depuis quatre ans, ces deux écuries ont été les plus dépensières de l’autre côté de la Manche. Guardiola comme Mourinho ont donc pris l’habitude de sortir le chéquier tous les étés. Mais au bout de la course, c’est bien l’Espagnol qui va conquérir l’Angleterre pour la première fois de sa carrière, sur une terre si hostile à sa façon de voir le football. José Mourinho, lui, a déjà été sacré de l’autre côté de la Manche, mais le bilan purement sportif de sa saison laisse à désirer. Une place de dauphin en Premier League ne peut pas masquer l’écart qu’il y a avec l’autre club de la ville, en termes de points, et encore moins la sortie prématurée du club en Ligue des champions. À son crédit, le Portugais a mené son équipe à une victoire en Europa League. “Ce n’est pas une compétition que veut disputer Manchester United. Ce n’est pas la compétition que je veux ou que les joueurs veulent”, avait-il lâché, pourtant, à son arrivée.
Pour leurs méthodes de management
Voici un point où Guardiola a longtemps été montré du doigt par rapport à un Mourinho réputé pour sa force de persuasion. On connait tous les poncifs. Le feu et la glace. Le meneur d’hommes et le tacticien. L’opposition a tenu parce que José Mourinho a longtemps su manier la provocation et la séduction avec finesse pour emporter ses joueurs avec lui, parfois contre le reste du monde. Mais depuis quelques années, le ‘Special One’ – un surnom de moins en moins utilisé pour le décrire – a perdu le fluide. Il est à court de ressorts, noyé dans son personnage et ses certitudes. Il n’y a qu’à voir les relations conflictuelles qu’il a entretenues avec ses joueurs stars (Cristiano Ronaldo au Real Madrid, Samuel Eto’o ou Eden Hazard à Chelsea, Paul Pogba à Manchester United). Le point de rupture s’apparente à sa dernière année en Espagne, il y a cinq ans. Pep Guardiola, lui, a gardé ses leviers pour appliquer ses méthodes. Un joueur comme Zlatan Ibrahimovic a clamé ce qu’il voit comme une limite dans le management du Catalan : l’absence de dialogue quand la relation s’effrite. Un problème que Guardiola ne rencontre pas avec l’effectif plus policé de Manchester City.
Pour leur rapports avec les arbitres et les médias
Il n’y a rien de nouveau à voir José Mourinho provoquer toutes les composantes du football. Arbitres, Fédérations, médias, entraîneurs, tout le monde y est passé. En Angleterre, son vieil ennemi Arsène Wenger a laissé sa place à Antonio Conte et Jürgen Klopp depuis le début de l’année. La stratégie a du sens. Elle peut être fondatrice pour resserer un groupe, aider une frange de joueurs aux personnalités et intérêts différents à regarder dans la même direction. Mais elle appelle une crédibilité. Et là encore, le Special One a tendance à s’enfoncer. Après l’élimination de Manchester United contre une équipe de Séville beaucoup moins calibrée que la sienne, ses mots ne sont pas passés. “On ne va pas en faire un drame… Je suis venu à Manchester avec Porto, United a été éliminé. Je suis venu avec le Real Madrid, United a été éliminé. Donc, je ne pense pas que ce soit quelque chose de nouveau pour le club”. Il y a un an, le très sobre Guardiola avait été éliminé au même stade de la compétition. Cela l’a amené à confier, quelques mois plus tard, qu’il aurait mérité de prendre la porte pour sa saison blanche…